Dans une sortie médiatique percutante sur les ondes de Radio Télévision Sans Frontières, le ministre de l’Éducation nationale a dressé un constat alarmant de la situation scolaire en Haïti. Selon lui, le système est en état de ruine avancée, incapable de remplir sa mission fondamentale. Face à des chiffres accablants et des réalités sociales dévastatrices, il appelle à une prise de conscience collective pour éviter une faillite éducative totale.
Chaque année, environ un million d’enfants entrent dans le système scolaire haïtien, mais seuls 188 000 atteignent la 9e année fondamentale. Et à l’échelle du secondaire, le constat reste tout aussi préoccupant : sur les 120 000 élèves en classe de NS4, « si 50 000 réussissent les examens, on pourra applaudir », lance le ministre, non sans ironie. Il dénonce une hémorragie silencieuse et un système éducatif dispendieux mais inefficace, où les parents — souvent épaulés par la diaspora — s’endettent pour une éducation qui, trop souvent, n’aboutit à rien.
Le ministre pointe également une incohérence dans la trajectoire des élèves. Le décalage entre le nombre d’enfants inscrits au début du cycle fondamental et ceux qui atteignent le secondaire révèle une perte massive d’effectifs. « Où sont passés les autres ? » demande-t-il. Pour lui, la pauvreté, la mort d’un parent, la nécessité de chercher du travail ou l’enrôlement dans des gangs expliquent ces abandons. Autant de drames silencieux qui alimentent un cycle de violence et de désespoir au sein de la jeunesse.
Par ailleurs, il s’interroge sur la présence d’élèves âgés de seulement 11 ans aux examens officiels de 9e année, alors que la norme pédagogique se situe entre 13 et 16 ans. Même dans les cas d’enfants précoces, cette situation traduit selon lui un dysfonctionnement grave dans le suivi scolaire et administratif. Il appelle à une réforme rigoureuse des mécanismes de contrôle et d’accompagnement des parcours.
Le ministre met aussi en lumière un autre facteur de désintégration sociale : l’absence totale d’espaces de loisirs pour les enfants. Confinés dans des zones marquées par la violence, le déplacement forcé, les vols ou les viols, les élèves sont exposés à des traumatismes constants. « Les enfants deviennent fous, les parents aussi », dit-il, évoquant une jeunesse livrée à elle-même dans un environnement déshumanisé.
En conclusion, il appelle à une responsabilité partagée : « L’école est cassée, et ce n’est pas uniquement la responsabilité de l’État. » Selon lui, seule une mobilisation nationale — incluant familles, institutions, enseignants, partenaires et diaspora — pourra enrayer l’effondrement du système éducatif et rouvrir des chemins d’avenir pour les enfants haïtiens.
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