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Diplomatie

Célébration de l’indépendance américaine : les dominés étaient de la partie à l'ambassade des États-Unis en Haïti

À Port-au-Prince, alors que les rafales d’armes automatiques résonnent toujours plus fort que les hymnes nationaux, l’ambassade des États-Unis a tenu à marquer dignement les 250 ans de la Déclaration d’indépendance américaine. Pour l’occasion, une réception intime a été organisée avec des « amis et partenaires haïtiens » triés sur le volet.

Entre coupes de champagne et poignées de main protocolaires, le chargé d'affaires américain, Eric Wooster, a salué l’« accueil chaleureux » que lui a réservé le peuple haïtien depuis sa prise de fonctions. Une chaleur qui, manifestement, survit même à l’effondrement des institutions.

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Sous les tentes dressées dans l’enceinte sécurisée de l’ambassade, on célébrait la liberté et la démocratie. À l’extérieur, dans une capitale partiellement sous contrôle de gangs armés, la population continue de se débattre avec l’insécurité, la faim et l’incertitude. Le contraste n’était pas seulement frappant — il était presque cynique. À croire que la souveraineté, dans le contexte haïtien, se décline désormais en RSVP.

Le symbolisme de cette réception ne manque pas de sel. Tandis que Washington célèbre deux siècles et demi d’émancipation du joug britannique, il renforce sa présence dans une Haïti affaiblie, dépendante, et de plus en plus sous la coupe d’une assistance internationale militarisée.

C’est d’ailleurs dans ce même contexte que l’arrivée du contingent kényan, sous mandat onusien et avec l’aval des États-Unis, a été validée. Tandis que la République ploie sous les pressions extérieures, la liberté célébrée ce soir-là semblait voyager sous escorte, dans une capitale où la souveraineté est plus surveillée qu’exercée.

L’indépendance américaine s’est construite contre une domination étrangère. Celle d’Haïti, première République noire libre, semble glisser vers une dépendance plus douce, plus silencieuse. Moins de chaînes, plus de conférences de presse. Moins d’occupants visibles, mais une gouvernance sous tutelle.

Mais ce soir-là, rien n’y paraissait. Les sourires étaient francs, les verres pleins, les appareils photo actifs. L’hymne américain flottait au-dessus d’une ville éclatée. Le discours de Wooster s’est voulu chaleureux. Il a remercié l’« amitié haïtienne ». Pas un mot pour les morts, les déplacés, les disparus. Peut-être que la vraie indépendance, ce n’est pas celle qu’on célèbre. C’est celle qu’on exerce.

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Yvena ISIDOR

Journaliste

Journaliste, à la fois présentatrice de radio et rédactrice depuis 2021, Professeure de mathématiques avec une formation en génie civil, militante dans le monde culturel comme animatrice de club d'art et de spectacle.

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