Le Conseil Présidentiel de Transition (CPT) a adressé, le 9 juillet 2025, une correspondance officielle au Premier Ministre Alix Didier Fils-Aimé pour lui demander des clarifications sur quatre dossiers jugés cruciaux pour la transparence et la bonne gouvernance de l’État haïtien.
D’abord, le Conseil s’interroge sur le renouvellement pour 25 ans du contrat entre l’État haïtien et la Caribbean Port Services (CPS), opérateur portuaire à Port-au-Prince. Une durée inhabituelle, qui dépasse largement les standards contractuels dans le secteur public. Le CPT affirme n’avoir été ni consulté ni informé d’un tel accord. Il exige donc une note explicative sur les raisons d’un tel engagement à long terme, ainsi que la copie des anciens et nouveaux contrats signés avec la CPS. Cette absence totale de transparence autour d’un contrat aussi stratégique soulève de vives inquiétudes.
Ensuite, le CPT attire l’attention sur la situation critique de SCIOS S.A., société responsable de l’hôtel Oasis, en grande difficulté financière. Trois institutions publiques — l’ONA, la BNC et le FDI — y sont impliquées en tant qu’actionnaires ou créancières. Or, l’entreprise serait aujourd’hui dans l’incapacité de rembourser ses dettes, exposant l’État à une perte potentielle de près de 17 millions de dollars américains. Le Conseil exige des informations urgentes sur les décisions prises par le gouvernement pour préserver les fonds publics et éviter un effondrement pur et simple de ce montage public-privé.
Par ailleurs, le Conseil aborde le blocage du système de production de passeports, qu’il qualifie d’« impasse sérieuse ». Cette situation, qui affecte directement des milliers de citoyens, a également des implications diplomatiques et sécuritaires importantes. Le CPT réclame les dossiers d’appel d’offres liés à la sélection des prestataires de services, et souhaite obtenir des garanties sur la capacité de l’État à offrir un service fiable, accessible et conforme aux normes internationales.
Enfin, sur le dossier de la sécurité nationale, le Conseil demande un rapport détaillé sur les actions du Task-force mis en place pour lutter contre l’insécurité. Il souhaite connaître les ressources mobilisées, les stratégies adoptées, et surtout les résultats attendus à court et moyen termes. Le CPT veut pouvoir évaluer l’impact réel des mesures prises afin de dresser un bilan cohérent de la réponse gouvernementale à la crise sécuritaire.
Au final, cette correspondance souligne le fossé croissant entre les actes du gouvernement et les exigences de transparence et de bonne gouvernance. Le Premier Ministre semble multiplier les décisions unilatérales, engageant l’État sur des dossiers sensibles sans consultation préalable ni justification publique. Le renouvellement controversé du contrat portuaire, la gestion risquée des actifs publics à travers SCIOS, les retards critiques dans la délivrance de passeports et l’absence de bilan clair sur les initiatives sécuritaires trahissent une gestion fondée sur le favoritisme, l’opacité et la connivence.
Ce mode de fonctionnement, qui s’apparente à une forme de corruption institutionnalisée, mine la légitimité du gouvernement de transition. Il trahit l’esprit même de la période actuelle, censée marquer une rupture avec les pratiques opaques du passé. La population haïtienne, déjà éprouvée, mérite mieux que des décisions prises dans l’ombre, au profit de cercles privilégiés. Elle attend des preuves tangibles que ceux qui gouvernent aujourd’hui ne répètent pas les erreurs d’hier.
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