Créé en 2003 par l’agronome William Cinéa sur un terrain de six hectares, le Jardin botanique des Cayes constitue depuis plus de vingt ans un centre majeur de conservation et d’étude de la flore haïtienne. Il abrite des espèces rares et endémiques, et accueillait autrefois jusqu’à 500 étudiants par an venus de différentes régions du pays.
Cependant, ce patrimoine est aujourd’hui fragilisé par un litige foncier. En 2018, la famille Paloma, propriétaire du terrain, avait proposé de vendre la parcelle au prix de 150 000 dollars US le carreau. À ce moment-là , une entente semblait conclue avec le ministère de l’Environnement, via l’Agence nationale des aires protégées (ANAP). Néanmoins, la transaction n’a pas été finalisée, faute de titres de propriété.
Depuis lors, le dossier s’est enlisé et s’est même compliqué avec l’implication de l’épouse de Bruno Paloma, désormais gestionnaire du bien. Contrairement à son mari, favorable à la vente, elle s’oppose à toute cession et envisage plutôt de construire une résidence sur le site. Ainsi, des arbres ont déjà été abattus et certaines plantes détruites, selon William Cinéa.
Par ailleurs, le conflit a pris une tournure judiciaire. Une première décision de justice avait ordonné la fermeture du jardin, interdisant à l’équipe d’y accéder. Toutefois, cette décision a finalement été annulée par le doyen du tribunal, alerté sur l’importance écologique du lieu. Malgré ce revirement, la menace demeure, car le projet de construction n’a pas été écarté.
En outre, les recherches menées sur place révèlent une biodiversité bien plus riche que les chiffres officiels. Le jardin a recensé près de 6 900 espèces, contre 5 600 selon les estimations nationales. Parmi elles figure l’amyris apiculata, unique au monde, dont la population est passée de 250 à 5 000 plants grâce aux travaux de conservation.
Face à cette situation, William Cinéa appelle donc l’État à déclarer d’utilité publique les six carreaux du site et à indemniser la famille Paloma. De leur côté, les militants écologistes mettent en garde contre la perte d’un patrimoine scientifique et naturel, alors qu’Haïti fait déjà face à une érosion rapide de sa biodiversité.
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