Longtemps volubile sur les ondes, l’avocat Caleb Jean Baptiste avait choisi d’emprunter une voie tranchante : celle de la dénonciation sans détour. À plusieurs reprises, il avait publiquement accusé l’ancien sénateur Nenel Cassy d’être le véritable commanditaire de l’assassinat du militant Tiblan Tatoute. Il allait jusqu’à suggérer que cet acte, maquillé en crime politique, avait été sciemment orchestré pour ternir l’image du président Jovenel Moïse. Dans ses interventions, il évoquait aussi, avec insistance, une proximité troublante entre Cassy et le chef de gang notoire Vitelhomme Innocent.
Mais ce lundi matin, à la faveur d’une conférence de presse aussi brève qu’inattendue, le même Caleb Jean Baptiste a adopté un ton radicalement différent. Il affirme désormais ne détenir « aucune information » liant Nenel Cassy à des groupes armés. « Je n’ai jamais vu Nenel remettre des armes, ni entretenir de rapports avec des bandits », a-t-il déclaré d’un ton neutre, balayant ainsi, sans la moindre explication, des mois d’accusations virulentes. Cette volte-face survient alors que l’ex-parlementaire vient tout juste d’être interpellé par la Police nationale d’Haïti.
Difficile, dès lors, de ne pas s’interroger. Que s’est-il passé entre les envolées accusatrices d’hier et le désengagement prudent d’aujourd’hui ? Certains évoquent des ennuis personnels de l’avocat avec les autorités policières, qui auraient précipité ce recentrage discursif. D’autres, plus sceptiques, soupçonnent des pressions politiques ou des négociations souterraines. En Haïti, où l’espace public est souvent traversé de menaces, d’opportunisme et de stratégies d’autoprotection, cette soudaine amnésie ne saurait être anodine.
Au-delà du cas singulier de Caleb Jean Baptiste, c’est l’ensemble de l’architecture du discours politique haïtien qui vacille. Lorsque la parole publique devient si malléable, si vulnérable aux humeurs du moment ou aux impératifs de survie personnelle, elle compromet gravement la recherche de vérité et de justice. La parole n’éclaire plus : elle s’efface, se replie ou se rétracte, au gré des rapports de force.
Alors que Nenel Cassy prépare sa défense, les propos changeants de son ancien accusateur brouillent davantage les repères. Ce retournement, loin d’éclaircir l’affaire, contribue à l’opacifier. Il rappelle que dans un pays fragilisé par l’impunité et les tensions politiques, la vérité, elle aussi, est souvent en détention préventive.
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