Un rapport d'une commission d'enquête indépendante sur la pédocriminalité dans l'Église catholique espagnole, publié ce vendredi 27 octobre, dévoile que plus de 200 000 personnes auraient été victimes d'agressions sexuelles de la part de religieux alors qu'elles étaient mineures.
Après le rapport Sauvé en France, l'Espagne tente à son tour de lever le voile sur le tabou des abus sexuels au sein de l'Église : le nombre de personnes ayant été victimes d'agressions sexuelles de la part de religieux alors qu'elles étaient mineures pourrait dépasser 200 000, selon l'estimation vendredi 27 octobre d'une commission d'enquête indépendante sur la pédocriminalité dans l'Église catholique
Le rapport ne fournit pas de chiffre précis mais contient un sondage effectué à la demande de cette commission auprès de plus de 8 000 personnes, selon lequel 0,6 % de la population adulte espagnole – soit près de 39 millions de personnes – a affirmé avoir été agressée sexuellement par des religieux alors qu'ils étaient mineurs. En outre, un nombre légèrement inférieur d'Espagnols (0,53 %) ont indiqué avoir été agressés sexuellement alors qu'ils étaient mineurs par des laïcs travaillant dans des institutions religieuses
Ces estimations sont contenues dans un rapport remis vendredi au Congrès des députés espagnols par le Défenseur du peuple (équivalent en France du Défenseur des droits), Angel Gabilondo, au terme des travaux d'une commission indépendante, la première établie dans ce pays pour évaluer l'ampleur de la pédocriminalité dans l'Église catholique
Le rapport se montre critique de l'attitude de l'Église catholique, déplorant que sa réaction aux cas de pédocriminalité en son sein ait été « insuffisante ». Parmi les mesures proposées dans le rapport figure la création par l'État d'un fonds pour verser des réparations aux victimes. Angel Gabilondo a précisé, lors d'une conférence de presse, que les cas concernaient principalement la période allant « de 1970 à nos jours ».
L'Église, qui affirme pour sa défense avoir mis en place des protocoles de traitement des violences sexuelles, ainsi que des bureaux de « protection de l'enfance » au sein des diocèses, a reconnu en juin avoir recueilli le témoignage de 927 victimes. Ce chiffre était toutefois très en deçà des 2 206 victimes comptabilisées par le quotidien espagnol El PaÃs, qui a créé sa propre base de données en 2018. Les premiers cas remontent à 1927. Peu avant même la présentation du rapport, la Conférence épiscopale de l'Église catholique avait annoncé qu'elle tiendrait lundi prochain une assemblée plénière extraordinaire au cours de laquelle les évêques débattront du rapport. L'Église, qui a refusé pendant des années toute enquête approfondie, n'a pas voulu participer aux travaux de la commission. Elle a toutefois accepté de lui remettre en mars des informations sur les cas de pédocriminalité collectées par les diocèses.
Le quotidien madrilène a également recensé 1 036 religieux accusés d'agressions sexuelles sur des mineurs. « Selon les experts, il ne s'agit que de la pointe de l'iceberg », écrivait El PaÃs vendredi. Le rapport publié vendredi lui donne raison. À titre de comparaison, une commission indépendante avait recensé 216 000 mineurs victimes depuis 1950 en France. En Allemagne, une étude a recensé 3 677 cas entre 1946 et 2014, et en Irlande, plus de 14 500 personnes ont reçu une compensation financière par le biais d'un mécanisme créé par le gouvernement.
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